Les requins de la fin de vie by Roger Lenglet & Jean-Luc Touly

Les requins de la fin de vie by Roger Lenglet & Jean-Luc Touly

Auteur:Roger Lenglet & Jean-Luc Touly [Lenglet, Roger & Touly, Jean-Luc]
La langue: fra
Format: epub
Tags: det_, Document, Enquête, économie
ISBN: 9782749945101
Éditeur: Michel Lafon
Publié: 2020-10-01T15:35:08+00:00


Dérives et dévoiements

Des dizaines de milliers de Français voient chaque année une curatelle ou une tutelle s’abattre sur eux. En 2018, le ministère de la Justice en donnait une idée : « En 2015 ont été ouvertes 42 200 tutelles, 33 500 curatelles et 1 500 sauvegardes de justice2. » Et il confirmait, à l’instar des rapports parlementaires et des enquêtes de la Cour des comptes, que les juges avaient plutôt la main lourde : « L’entrée dans le dispositif juridique de protection s’opère le plus souvent par le degré le plus important, celui de la tutelle (55 %). » C’est là l’indice d’un abus à grande échelle, comme nous allons le voir.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, si ces « protections judiciaires » touchent en priorité les personnes âgées, l’éventail des âges s’élargit. Aujourd’hui, la moyenne est de 55 ans pour les placements sous curatelle et de 64 ans pour les personnes placées sous tutelle3. C’est jeune ! Et les enquêtes officielles répètent que le phénomène ne saurait être simplement imputable à la maladie d’Alzheimer, même si les pathologies de ce type se développent à un âge de plus en plus précoce4…

Les rapports sur le sujet déplorent la progression de plus en plus rapide du nombre de personnes qui en font l’objet. Dès 2007, le Sénat avait sévèrement critiqué la « croissance exponentielle du nombre des mesures de protection » et leur lourdeur5. Il y voyait de graves dérives et des « règles dévoyées » : « Le vieillissement n’explique pas l’essentiel de cette croissance exponentielle. » Il constatait en effet que les juges des tutelles « n’ont pas hésité à prononcer des mesures de protection qui, en principe, doivent être réservées aux personnes qui sont dans une situation ne leur permettant pas de faire connaître leur volonté. » Ce débordement hors de la loi est curieusement devenu habituel. Les sénateurs en citent des exemples significatifs : « Certaines curatelles sont prononcées pour des dettes locatives de plusieurs milliers d’euros et des conditions de logement insalubres, alors même que le majeur dispose d’une famille et ne semble pas affecté d’une altération réelle de ses facultés mentales. » C’est pour le moins surprenant.

Autrement dit, plutôt que d’aider les gens, de plus en nombreux, qui font face à des difficultés sociales et économiques, on y trouve le prétexte de leur ôter leur autonomie civile. Les sénateurs rappelaient que des précédentes enquêtes avaient déjà pointé cette dérive en établissant qu’un placement sur cinq était prononcé pour surendettement des personnes6. Ou, mieux, pour « la modestie de leurs ressources ». À quand la mise sous tutelle d’office de tous les gens vivant modestement ? Et pourquoi pas celle des riches, par la même occasion, car plus la fortune est grande plus il est compliqué de la gérer et plus on peut tomber dans la « prodigalité », qui était d’ailleurs l’un des critères légaux des placements avant la loi de 20077.

Deuxième dérive : « Le principe de gradation des mesures, pourtant inscrit dans la loi, n’est souvent pas respecté.



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